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No 81 - Juin 2006
 
Bien joli printemps

Editorial

Assis sur un banc dans les hauts de Tramelan, je regardai les champs fleuris de ce printemps tardif. La variété des couleurs, la nuance des rouges ou des verts, les mélanges colorés. Je me dis alors que c’était un peu comme en politique. Pour qu’une démocratie fonctionne, il faut une bonne dose de variété d’idées, de partis, d’idéologies...

Une gauche, une droite, un centre, mais surtout pas l’incolore de la liste romande!

Comment être crédible en associant gauche dure, droite des plus libérale et PDC au nom d’une fiction ultranationaliste. Cela frôle la pensée unique si chère à tous les dictateurs. Et puis que vient faire ce «romand» dans l’histoire? Comme si on ne parlait pas aussi français au PSJB, chez les radis ou à l’UDC... Comme si notre canton de Berne n’était pas bilingue.

Cette volonté absurde de faire croire au mensonge de la germanisation, cette volonté de tromper l’électeur, de créer des problèmes là ou il n’y en a plus, me dégoûte.

J’ai cueilli quelques fleurs pour une jolie fille, pour me changer les idées aussi.

Puis je me suis souvenu des fables de cette liste romande. Huit voix dans le district d’Interlaken alors que certains prétendaient qu’un mouvement de citoyens soutenait un Z. contre le retour d’une pierre et le départ du Jura bernois, des tracts trompeurs à Bienne, du cinéma de la presse à la recherche de scandales.

Retrouvant mon banc, j’ai sorti de ma poche le journal ou plutôt la page des résultats des élections. Ouf, le peuple, et moi avec, ne s’était pas laisser berner... Les variétés de fleurs existaient toujours et la grande coalition des éternels mécontents ne faisait pas le score attendu.

L’odeur des fleurs des champs, la beauté des éoliennes étaient comme une bouffée de liberté, de sérénité aussi. Mon origine restera bernoise et francophone.

J’ai quitté cet espace magique pour rejoindre le triangle des bars en me disant tout de même que beaucoup meurent à travers le monde pour obtenir un semblant de démocratie et que ceux qui peuvent en profiter ne vont même plus voter...

C’est triste mais les hommes comme les fleurs ont des racines et une part de liberté, pour le moins dans le Jura bernois.


G-A Houriet

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Le Jura bernois retourne-t-il sa veste ?

Grande victoire autonomiste dans le Jura bernois ! C’est ce qui est ressorti en substance de certains commentaires des résultats des élections du 9 avril 2006. Or, il convient de garder à l’esprit quelques éléments pour ne pas s’aventurer dans des conclusions hâtives.

1.        Les partis autonomistes (PSA et Entente) ont fédéré 29.7% des voix exprimées dans le Jura bernois (élection au Grand Conseil). Le rapport de force global n’a donc pas fondamentalement changé dans la région: plus de 70% des électeurs qui se sont déplacés souhaitent conserver l’appartenance cantonale bernoise de nos trois districts. De plus, rappelons que 30% d’autonomistes avec une participation de 30% environ signifie que moins de 10% des ayants droit ont manifesté leur souhait de quitter le canton de Berne. On ne peut par vraiment parler de raz-de-marée ! L’enjeu consiste à connaître l’avis de la majorité silencieuse. Or, il est peu probable que celle-ci soit séduite par les idées autonomistes. Si c’était le cas, ces personnes se seraient déplacées aux urnes pour faire bouger les choses. Enfin, la tactique perfide consistant à parler le moins possible des convictions autonomistes n’aura pas manqué d’attirer quelques électeurs pas
forcément conscients de soutenir le séparatisme.

2.        La progression des autonomistes est due au seul PSA (23.56%), qui est devenu le premier parti du Jura bernois, détrônant l’UDC (19.17%). Rappelons toutefois que le PSA est implanté essentiellement dans le district de Moutier, ce qui en fait un champion plutôt local, alors que les autres partis principaux sont implantés de manière plus uniforme dans les trois districts et sont ainsi de vrais partis régionaux.

3.        La locomotive du PSA* a fait un travail politique remarquable en termes de visibilité médiatique. Grâce notamment à la crise de la Boillat, à ses relais journalistiques et à sa rhétorique flamboyante, il a pu se profiler comme nul autre candidat. Les fruits de cette présence se retrouvent dans son score de plus de 5000 voix, soit deux ou trois mille voix de plus que tous les autres élus au Grand Conseil. Nul doute dès lors que la progression de son parti est due surtout à ce seul homme, la liste entière étant «tirée» par celui-ci.

4.        En tant que tout petit parti au niveau du canton, le PSA jouit d’une liberté de ton qui fait défaut aux partis qui assument des responsabilités gouvernementales. Cela permet de tirer au maximum certaines ficelles populistes, ici en l’occurrence de gauche. La polarisation du paysage politique fait le reste: comme une certaine UDC, le PSA profite d’un vote protestataire. En ce sens, les succès des partis comme le PSA dénotent davantage une faiblesse des partis gouvernementaux qu’une force réelle des partis en progression. Les grands partis seraient bien inspirés de tenir compte de cet avertissement pour ne pas s’endormir sur leurs lauriers.

5.        Un taux de participation de moins de 30% démontre que 70% de la population ne voit pas de raison de changer fondamentalement les choses. Cela ne reflète en rien une défiance grandissante face aux institutions. Si la population était tellement mécontente de la situation actuelle, les résultats auraient été autrement plus spectaculaires.

6.        La baisse des trois partis gouvernementaux (UDC, PS, PRD) est due en particulier à la progression des petits partis et à l’apparition des Verts, qui ont été présents pour la première fois. Le cercle électoral étendu au Jura bernois était défavorable aux grands partis en soi, mais l’effet a été amplifié par le nombre de partis en augmentation.

A la lumière de ces quelques points, il est tout à fait possible de relativiser la poussée autonomiste qui aurait eu lieu le 9 avril dernier. Le Jura bernois n’a donc pas retourné sa veste. C’est cette réalité qui doit guider l’action des partis politiques gouvernementaux s’ils souhaitent progresser à nouveau à l’avenir.

Manfred Bühler
 

* (nom parfois donné à Maxime Zuber)

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